Quel est votre poison? Une Pale Ale de chez Valaisanne? Une artisanale du Père Jakob? Une Torpille BFM? Une blonde Calvinus? Si vous voulez une bière, vous avez aujourd'hui l’embarras du choix. Un choix si vaste qu'il peut faire l'effet d'une «guêpe dans l’urètre» comme plaisante l'humoriste Yann Marguet. Vous regretterez peut-être l’époque où vous n’aviez qu’une option par local: Feldschlösschen, Eichhof, Cardinal, Warteck... Point barre.
Ce n’est qu’avec la fin du «cartel de la bière» dans les années 1980, puis celle des fusions et des fermetures des années 1990, que les microbrasseries suisses ont pu prendre l'essor qu'on leur connaît.
Cette histoire nous est racontée dans le documentaire du Jurassien Michael Beuchat. «La Bière, tout une histoire» nous emmène dans une épopée épique, de l'abbaye de Saint-Gall aux Franches-Montagnes, des cuves immenses de l'usine zurichoise Hürlimann aux caves obscures d'une brasserie bernoise depuis longtemps oubliée.
Des empires et des passionnés
Le documentariste nous narre cette histoire faite d'empires industriels et d'amoureux du houblons au rythme des «r» roulants de son accent, qui rappelle à l'auteur de ces lignes de folles soirées dans des bistrots ajoulots (dans des limbes nicotinées, car en Ajoie, ON FUME) lors de la Saint-Martin… ou de la fête de la bière.
Car si la bière et les Suisses ont une histoire d'amour de longue tradition, celle-ci n'a eu de cesse d'évoluer. Les premières traces de brassage du malt datent du IXe siècle, mais la bière ne se développe réellement qu'au XVIIIe, avant de devenir une industrie après la destruction des vignes par le parasite phylloxera dans la deuxième partie du XIXe. Elle a alors été l'apanage de grands groupes qui se sont arrogés la domination du marché en créant une organisation qui déterminait les territoires de distribution et punissait les infractions par une justice parallèle.
Le documentaire poursuit deux trames narratives, l'une qui suit chaque étape de brassage de la bière chez un producteur de Delémont, l'autre qui retrace la chronologie en maniant images d'archives et témoignages. La caméra s'attarde sur les gestes minutieux des artisans et varie les plans des hauts lieux de production, comme l'ancienne brasserie Hürlimann devenue un bain thermal au centre de Zurich ou l'ancien fief de Cardinal à Fribourg, tombé en désuétude dans les 2000.
Une industrie florissante
Michael Beuchat nous explique sa démarche: «Au début des années 90, on avait pas de choix en terme de bières. Dans le Jura, c'était la Warteck. C'est cet essor de choix qui m'impressionne, et le fait qu'on en entende tant parler. On a tous des amis qui travaillent dans la bière, qui s'essaient au brassage.» Il a essayé de capturer la passion qui anime ceux qui travaillent dans cette industrie florissante. «Je n'ai pas construit mon récit autour de problèmes, parce qu'il n'y en a pas: les brasseurs ont du succès. il n'y en a pas, ou presque, qui ont fermé pendant le Covid. Et ils trouvent leur public».
En parlant de public: son film a été diffusé le 20 mai à Neuchâtel au Rex et le sera encore lundi 30 mai à Delémont à la Grange à 20h30. Les autres dates seront ajoutées au fur et à mesure sur ce lien.
La bière: toute une histoire. Par Michael Beuchat, 2022.