On est à quelques heures de la diffusion de Top Chef, dont le tournage s’est terminé il y a quelques semaines, tu te sens comment?
J'ai hâte! Après, la vie a continué, je suis retourné dans mes cuisines. Je ne réalise pas vraiment, mais c'est vraiment quand ça va commencer ce soir que je vais vraiment me rendre compte que je passe à la télé, sur M6, dans une émission que, d’habitude, je me contente de regarder. Je suis assez enthousiaste.
Pas de petites allusions de tes collègues du Bayview aujourd’hui?
Évidemment (il rit), mais depuis quelques temps, on en parle au quotidien. Je crois qu’ils ont encore plus hâte que moi que cela commence. Ils sont tous derrière moi, même mon chef Michel Roth, tout le monde est super content.
Comment se retrouve-t-on candidat à Top Chef quand on est sous-chef d’un restaurant genevois?
J’ai été contacté via les réseaux sociaux. C’était en mars l’an dernier, je venais de créer mon compte Insta autour de ma cuisine (@khezzar_cook) et j'avais à peine 200 ou 300 followers à l'époque. La production m’a appelé pour voir s'il y avait des gens de ma brigade qui voulaient faire «Objectif Top Chef», l’émission avec Philippe Etchebest. Personne n’était intéressé et du coup, ils m'ont proposé «Top Chef». J'ai commencé les castings, et là ça a été un long parcours. Finalement, je me suis retrouvé dans les seize derniers retenus pour l’émission. J'ai vraiment vécu ça étape par étape sans trop de pression. Ce n’était pas un plan pour moi, c'était plutôt une opportunité comme j'ai pu avoir autre à d'autres moments dans ma vie. J’ai sauté dessus.
Quel regard portes-tu sur l'émission?
Déjà, c'est une émission dont je ne voyais que la fin, parce qu'en fait je la regardais après le service, quand je rejoignais ma femme. Quand j'arrivais, c’étaient déjà les épreuves éliminatoires. C’est une émission que mon entourage suit énormément. Pour moi, c'est un super show, dans lequel on voit toujours des grands chefs. Je le vois comme un vrai concours de cuisine, même si c'est télévisé. J'en ai toujours eu une bonne image.
Et Philippe Etchebest, il est vraiment méchant?
(Il rit). Non, pas du tout, au contraire. Dans l’émission, j’ai pris autant de plaisir dans les moments filmés que dans les moments off, vraiment!
L’émission a quatorze ans, elle a suscité de nombreuses vocations de cuisinier… C’est ton cas?
Pas vraiment, car je ne suis pas trop télé de base. Je suis toujours trop occupé par le travail pour regarder la télé. Mais c’est vrai que cela a une image positive sur les jeunes. Ça, et les réseaux sociaux. Je le sens d'autant plus que je reçois de plus en plus de messages de jeunes qui sont en CAP ou qui font leur concours… J'ai par exemple trois petits qui sont en France et que je ne connais pas du tout et qui me posent des questions, me demandent des conseils sur mon profil Instagram. Tout cela, cela les motive à faire ce métier qui est quand même un métier assez dur. Il faut être passionné.
Justement, ton profil Instagram, sur lequel tu postes beaucoup de vidéos de toi en cuisine, cartonne. Tu as 120'000 followers, tu es surpris?
J’ai toujours partagé énormément avec ma brigade. J'adore être pédagogue, c'est ma grande force. Avec la musique, mon autre passion, je connaissais les réseaux sociaux. Mais je m'étais jamais lancé dans un profil pour la cuisine. Tout le monde me disait : Mais pourquoi tu le fais pas ? Finalement, ça permet de montrer aux gens mon travail, que c'est aussi moi de temps en temps qui crée les plats au Bayview… Et puis d’un seul coup, ça a explosé!
Tes collègues et ton chef apprécient?
Oui, c'est très bien perçu par mes collègues et mon chef. Je fais tout tout seul… Mais de plus en plus souvent, maintenant, mes collègues restent et regardent quand je filme ou m'aident. Ils apprennent aussi des trucs parce que je fais souvent des vidéos de choses que je ne fais pas forcément en cuisine. Tout ça, c'est de la positive attitude.
A 26 ans à peine, tu es déjà sous-chef d’un restaurant étoilé… comment es-tu rentré dans ce métier?
Selon mes parents, j’ai toujours voulu être cuisinier, je traînais toujours autour des fourneaux. J'ai vraiment commencé à 15 ans par un stage au Ritz à Paris avec le chef Michel Roth, à l'Espadon. Après j'ai travaillé pour le chef Pierre Gagnaire quand le Ritz a fermé pour travaux. Lorsque Michel Roth est parti en Suisse, je l'ai suivi dans l'aventure. J'avais 19 ans et j'ai gravi tous les échelons au sein du Bayview. Le restaurant est monté et je suis aussi monté avec lui… 18 sur 20 au Gault&Millau, l'étoile Michelin… c'étaient des bons moments. Et maintenant, je suis le second du chef que j'ai rencontré quand j'avais 15 ans et qui m'a donné sa carte pendant un brunch. C'est juste fou !
C'est pas compliqué d'être sous-chef quand on a seulement 26 ans?
Je suis un chef de la nouvelle génération, je ne suis pas tellement méchant (il rit) et je suis pédagogue. C’est vrai que j'ai des chefs de partie qui ont 30 ou même 35 ans. Mais on est là pour bosser et ça se passe super bien. C’est une ambiance sérieuse mais assez cool. Moi, dans mon parcours, j’ai eu la chance de toujours travailler avec des chefs pédagogues, humains et ça m'a beaucoup servi. Je sais que le contraire m'aurait dégoûté du métier.
Parce que tu as du caractère?
Ah ouais j'ai grandi dans le 93… On a vécu, on a vécu…
Comment te décris-tu en tant que cuisinier?
Je suis un cuisinier très créatif. Je suis dans le milieu artistique dans mes autres passions, comme la musique, donc ça me paraît logique de partir d'une feuille blanche et de créer. J'ai beaucoup de bases de cuisine classique que j'ai appris avec les grands chefs. Du coup j'essaie de calmer un peu ma folie, de partir des classiques français de les revisiter à ma façon mais avec beaucoup de technique. Mon style, c'est un peu ce mélange de classiques avec la modernité, j’aime bien suivre les tendances comme on peut le faire avec les fringues
Qu’est-ce que t'a apporté Top Chef?
C’est une superbe expérience, une super aventure. Culinairement, ça m'a apporté une dynamique que je n’avais pas, l'émotion dans l'assiette. Avant je partais plutôt d'une idée, d’un dressage déjà fini dans ma tête. Et en fin de compte, pendant «Top Chef», j'ai appris à créer à partir d'une émotion. Par exemple d'un plat fétiche de ma grand-mère. Et ça me sert au quotidien maintenant. Humainement, c'était mon premier concours. Ça m'a donné envie d’en faire d'autres, ça m'a donné beaucoup de confiance. Maintenant, je sais où j'en suis par rapport à la gastronomie. C'est vrai que quand on est à Genève on est un peu loin du milieu. Sans rien dévoiler, j’ai réalisé que je ne me débrouillais pas trop mal…
Et sinon, ton autre passion, c’est la musique?
Oui, avec mon frère, on a commencé quand on avait 12 ans. Au début, c’était du rap puis en grandissant, on a évolué. Mon frère parle espagnol couramment. Et donc, on a mélangé nos styles et les références qu'on adore à l'étranger. Maintenant, on fait plutôt du reggaeton, c’est ce qui nous correspond.
C’est compatible avec ton métier, ça?
Oui, on fait nos sons nous-mêmes, tout seuls. On a deux studios, l’un à Paris, l’autre à Genève. Et puis la cuisine et la musique, ce sont deux activités artistiques, on part d'une page blanche; on crée une musique ou une assiette, on raconte une histoire. Avant, je séparais bien les deux mais maintenant je le cache de moins en moins.
Bon, tu es assez looké avec tes cheveux longs tressés, ça doit susciter des questions, non?
Oui, souvent, quand les jeunes découvrent petit à petit qui je suis ils sont tout le temps un peu étonnés mais ils trouvent ça trop bien. Ils se disent que l’on peut avoir toutes sortes de passions très différentes et les vivre toutes sans avoir à choisir. C’est plutôt cool!
On t'entendra chanter dans Top Chef?
Ah et bien regardez ce soir, vous devriez déjà avoir votre réponse!