Choucroute, kombucha…
Les aliments fermentés sont-ils vraiment bons pour la santé?

Vous aimez le pain, le fromage ou encore la choucroute? Bravo, vous consommez des produits fermentés. Ces aliments «vivants» donnent du peps à nos assiettes et pourraient être bénéfiques pour la santé. Explications de deux experts d’Agroscope.
Publié: 24.03.2023 à 17:08 heures
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Dernière mise à jour: 24.03.2023 à 19:37 heures
Avec la fermentation, les bons microbes vont dégager les mauvais, pour des produits qui se conservent plus longtemps et qui développent de nouvelles saveurs.
Photo: Shutterstock
Elodie Maître-Arnaud

Elle est à la mode dans les cuisines les plus branchées. Pourtant, la fermentation est une méthode vieille comme le monde, sans doute la plus ancienne pour conserver les aliments. Conserver était d’ailleurs la seule ambition de nos ancêtres, qui ont probablement découvert cette propriété à travers des fermentations spontanées. Il semble que pour nos aïeux, les qualités nutritionnelles des produits fermentés importaient moins que d’éviter de s’intoxiquer en consommant leurs réserves de nourriture.

Lactofermentation, fermentation alcoolique, fermentation acétique: les méthodes sont nombreuses, et la fermentation peut être obtenue grâce à l’utilisation de différents microorganismes (bactéries, levures ou moisissures). Le principe? Pour la lactofermentation par exemple, on enferme hermétiquement les aliments dans un bocal, avec du sel et de l’eau, et on laisse faire pendant plusieurs semaines.

Chaque culture a développé ses propres spécialités. En Europe, on fermente plutôt le lait (yogourt, fromage) le pain, certains légumes ainsi que des viandes. En Asie, ce sont plutôt les légumes et le soja. Côté liquides, citons encore les boissons alcoolisées (vins, bières, cidres) ou le kombucha. «On pourrait fermenter tous les aliments si l’on ignorait l’effet sensoriel ou de texture», relèvent les chercheurs d’Agroscope, le centre de compétence de la Confédération dans le domaine de la recherche agronomique et agroalimentaire.

Un catalogue suisse de la fermentation

L’impact des aliments fermentés sur la santé intéressent beaucoup les chercheurs. Agroscope est ainsi en train de cataloguer et de décrire les aliments fermentés consommés par la population suisse. «Cette recherche est la première étape nécessaire à une mise en lien de la consommation de ces aliments avec la santé», expliquent les chercheurs.

Agroscope s’intéresse également à sélectionner des bactéries lactiques pouvant produire des yogourts ayant potentiellement un impact sur le système immunitaire et la santé mentale, au travers de leur impact sur le microbiote intestinal. Enfin, Agroscope dirige un groupe de chercheurs dans le cadre d’un projet européen dont le but est d’évaluer l’état des connaissances sur les propriétés «santé» des produits fermentés.

L’impact des aliments fermentés sur la santé intéressent beaucoup les chercheurs. Agroscope est ainsi en train de cataloguer et de décrire les aliments fermentés consommés par la population suisse. «Cette recherche est la première étape nécessaire à une mise en lien de la consommation de ces aliments avec la santé», expliquent les chercheurs.

Agroscope s’intéresse également à sélectionner des bactéries lactiques pouvant produire des yogourts ayant potentiellement un impact sur le système immunitaire et la santé mentale, au travers de leur impact sur le microbiote intestinal. Enfin, Agroscope dirige un groupe de chercheurs dans le cadre d’un projet européen dont le but est d’évaluer l’état des connaissances sur les propriétés «santé» des produits fermentés.

C’est en inhibant la croissance des agents pathogènes que la fermentation permet de conserver les aliments, grâce à la prolifération de «bonnes» bactéries. Oui, oui! Même si l’idée de laisser des bactéries se développer dans nos aliments paraît saugrenue, ce sont bien des bactéries «amies» qui nous protègent de celles qui sont nocives pour notre organisme. Évidemment, ces microorganismes ne mènent pas cette lutte pour nous. «Elles le font pour être plus fortes que leurs concurrentes dans l’environnement et assurer ainsi leur habitat», explique Ueli von Ah, chercheur chez Agroscope. Coup double: les bonnes bactéries croissent et multiplient… et c’est tout bénéf pour notre santé!

Bactéries et enzymes, stars du bocal

Laissons de côté la fermentation alcoolique – pas vraiment dans le thème de l’alimentation santé – et penchons-nous plus en détails sur la fermentation lactique qui, comme son nom ne l’indique pas, n’a rien à voir avec le lait… De nombreux aliments que nous consommons couramment font en effet l’objet d’une lactofermentation: la choucroute, les cornichons, les olives, certaines charcuteries, le pain au levain, les yogourts et les fromages, ou encore le kéfir et le miso.

Plus précisément, il s’agit d’un processus biochimique de transformation anaérobie, c'est-à-dire qui fonctionne en l’absence d’oxygène. Ce genre de fermentation consiste à favoriser la prolifération des bactéries lactiques naturellement présentes dans certains aliments. Les bactéries vont alors se nourrir des sucres en présence, et les transformer en acide lactique, qui va lui-même contribuer à inhiber les bactéries pathogènes. «Dans le même temps, d’autres enzymes et des levures produisent des composants aromatiques qui contribuent au goût du produit final», ajoute Ueli von Ah. Car la fermentation joue aussi un rôle important dans la production des arômes. Pour le fromage par exemple, les bactéries utilisent les protéines du lait et les dégradent en amines aromatiques, molécules en partie responsables de la saveur recherchée.

Il est difficile de donner une indication quant à la durée de conservation des aliments fermentés. Car si en termes de sécurité alimentaire, les produits fermentés peuvent se conserver pendant des mois, voire des années, ce sont plutôt leurs propriétés gustatives qui risquent de s’altérer au fil du temps. «Les bactéries et les enzymes sont encore actives et si on attend trop longtemps, le produit ne peut plus être consommé à cause de son goût», confirment les chercheurs. «Par exemple, la choucroute peut se garder plusieurs années, mais elle va devenir de plus en plus acide si on ne l’a pas pasteurisée.» De même, si les conditions de stockage ne sont pas bonnes, des réactions chimiques et physiques (comme l’oxydation) peuvent altérer la qualité du produit.

La fête au microbiote intestinal

On l’a vu, la fermentation acidifie les aliments, empêchant la prolifération des bactéries pathogènes et contribuant ainsi à diminuer les risques d’intoxication alimentaire. Pour nous qui, en Suisse, possédons aujourd’hui frigos et congélos, ce n’est toutefois plus le principal intérêt. Ça tombe bien, ce n’est pas le seul! «Les aliments fermentés synthétisent des molécules bénéfiques à la santé, dont certaines ne peuvent être fabriquées par l’organisme humain (acide folique, vitamine B12, vitamine K)», ajoute Guy Vergères, chercheur chez Agroscope.

Par un processus similaire à la digestion gastrointestinale, les enzymes des microorganismes présents dans les aliments fermentés dégradent également les macronutriments (en particulier les protéines et les sucres), contribuant ainsi à une meilleure digestibilité et à une meilleure biodisponibilité de certains d’entre eux, comme les acides aminés.

Certaines bactéries lactiques utilisées pour la fermentation des aliments ont également la capacité de coloniser l’intestin. Pas de panique, c’est une invasion amicale! «Elles contribuent à notre santé grâce à leurs propriétés probiotiques, en interagissant directement avec l’organisme humain et les microorganismes présents dans le microbiote intestinal», résume-t-il. Bref, les aliments fermentés nous apportent non seulement des vitamines, mais nous permettent aussi de mieux assimiler les nutriments, tout en boostant notre flore intestinale.

La recherche va plus loin encore et s’intéresse aujourd’hui au potentiel des aliments fermentés en matière de prévention de certaines maladies. «Les indications cliniques suivies incluent les maladies gastrointestinales, les maladies cardiovasculaires, le diabète, l’ostéoporose, l’immunité et les allergies, et les désordres neurologiques comme la dépression», précisent les chercheurs. Et de nuancer toutefois, en indiquant que les preuves cliniques de ces bénéfices n’ont pas encore été rapportées. «La seule indication clinique des aliments fermentés formellement validée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) est la capacité du yogourt à diminuer l’intolérance au lactose chez les consommateurs ne pouvant pas digérer ce sucre», ajoute Guy Vergères.

Il relève enfin que les preuves scientifiques à disposition des chercheurs ne permettent généralement pas de différencier les propriétés «santé» des aliments fermentés d’origine animale de celles des aliments d’origine végétale. Vous reprendrez bien un morceau de saucisse avec votre choucroute?

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