Ça n'est pas que génétique
Pourquoi nous sommes inégaux face au café

Tout l’été, Blick Food tente de répondre aux grandes interrogations scientifico-culinaires qui nous empêchent de dormir. Cette semaine, ça tombe bien, on vous parle des effets de la caféine sur le sommeil.
Publié: 28.08.2022 à 09:03 heures
Photo: Shutterstock
Elodie Maître-Arnaud

Il est 3h15 du matin. Sous les draps, vous avez beau compter et recompter les moutons, les bergers et les chiens de berger, rien n’y fait. Impossible de trouver le sommeil. A côté de vous, chéri(e) dort à poings fermés. Pourtant, comme vous, il ou elle a repris deux cafés en fin d’après-midi. Alors pourquoi la caféine agit-elle différemment sur votre organisme? On vous répond, avec le professeur Raphael Heinzer, médecin chef du Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil du Centre hospitalier universitaire vaudois.

Pour comprendre comment la caféine agit sur nos nuits, il faut faire un petit tour du côté de la neurobiologie. Il est ici question d’adénosine, une molécule produite par le cerveau et dont l’une des fonctions est de favoriser le sommeil. «Lorsque nous sommes réveillés, nos neurones consomment de l’énergie et produisent de l’adénosine qui s’accumule dans notre cerveau pendant la journée», explique le spécialiste.

Logiquement, plus on est réveillé longtemps, plus on produit d’adénosine, et plus on va avoir envie de dormir. Inversement, lorsque l’on dort, l’adénosine est progressivement éliminée, ce qui diminue cette envie. Et ainsi de suite. «Or il se trouve que la caféine bloque certains récepteurs de l’adénosine et empêche donc notre cerveau de ressentir qu’il a été réveillé longtemps.» Résultat: notre sommeil est perturbé. Plus précisément, la caféine diminue la capacité d’endormissement et le sommeil profond, et augmente la fragmentation du sommeil, favorisant ainsi les réveils nocturnes.

C’est dans les gènes, mais pas que

Nous l’avons tous remarqué, les effets de la caféine sur le sommeil se font plus ou moins ressentir d’une personne à l’autre. La faute en grande partie à la génétique: «il existe différents types de récepteurs de l’adénosine dans notre cerveau et il semble qu’une variation génétique de l’un d’eux est responsable de la sensibilité ou de l’insensibilité des individus à la caféine», explique le professeur Heinzer.

D’autres facteurs peuvent également intervenir. Les fumeurs dégradent ainsi plus rapidement la caféine. L’effet du café tend aussi à diminuer si l’on en consomme régulièrement. «A l’inverse, sa durée d’action est prolongée par certains médicaments, comme la pilule contraceptive, ou chez les personnes âgées qui la dégradent moins vite.»

Afin de passer une bonne nuit, chacun d’entre nous a donc intérêt à connaître ses besoins en matière de sommeil ainsi que sa sensibilité à la caféine. Quoi qu’il en soit, le spécialiste conseille aux personnes souffrant d’insomnies de cesser de consommer toute boisson caféinée (café, thé noir, thé froid, colas, boissons énergisantes, etc.) au plus tard en milieu d’après-midi.

Sieste ou café? Les deux!

À l’inverse, peut-on vraiment compter sur le café pour nous donner un coup de fouet? «Il peut effectivement avoir un effet stimulant chez les personnes sensibles à la caféine, avec une diminution de la somnolence et une amélioration de l’attention, de la réactivité et de la vigilance», répond le Prof Heinzer. Même s’il affirme que le meilleur remède contre l’envie de dormir, c’est… dormir! En particulier en cas de coup de pompe au volant.

«On conseille de faire une sieste de 10 à 20 minutes et, pour ceux qui le souhaitent, de prendre un café juste avant. La caféine mettant environ 30 minutes pour agir, elle aura un effet positif sur la vigilance au réveil. Elle peut aussi réduire l’inertie du sommeil, c’est-à-dire cette sensation d’être parfois groggy juste après une sieste.»

Mais si le café peut être utile après une nuit trop courte ou en cas de somnolence, il ne devrait pas être utilisé pour essayer de diminuer chroniquement la durée de notre sommeil. «Le sommeil a d’autres effets bénéfiques sur le cerveau, notamment sur notre mémoire, sur notre équilibre hormonal, sur notre humeur et probablement sur notre immunité. Et ces effets ne sont pas compensés par la caféine», conclut le spécialiste.

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