L'ouverture d'un restaurant n'est jamais une mince affaire. Alors imaginez lorsqu'il s'agit de remplacer une institution locale! C'est le cas du nouveau Crudo7, qui a pris la place de l'Esquisse, lieu chargé d'histoire dans les ruelles du quartier des Eaux-Vives.
Remettons les choses dans leur contexte, l’Esquisse était un restaurant bien ancré dans le quartier. Ancienne galerie d'artistes, dont il se dit qu'elle était la plus ancienne du coin selon les dires, l'adresse était devenue un haut lieu de la nuit genevoise sous la houlette de son précédent propriétaire Laurent Perrot. En 2021, Fabian Affentranger, déjà à la tête du festif Chez Calvin, a repris le restaurant en conservant son nom, son esprit épicurien et surtout en améliorant - drastiquement - la qualité. On y mangeait alors quelques classiques bistrotiers et surtout des viandes renversantes cuites au grill à charbon Josper. Peu fréquentée en début de semaine, l’adresse ne désemplissait plus dès le mercredi soir.
Cuisinés, mais complètement crus
Alors pourquoi changer? «La restauration est un cycle, il était temps d’inscrire mon empreinte et mes envies dans ce lieu. Je crois aussi que Crudo7 correspond mieux aux envies du moment: de la légèreté avec une cuisine plus voyageuse», explique Fabian Affentranger.
Le concept repose sur les «crudos», c'est-à-dire des plats crus. Crus, mais cuisinés tout de même! Ceux-ci seront au nombre de 7 et varient en fonction des arrivages, des saisons et des envies du chef.
Le chef justement, s'appelle Marco Garfagnini, un Toscan hyper actif de 51 ans rencontré au George V à Paris où tous deux ont travaillé. Leurs chemins se sont recroisés à Genève en 2007, quand Marco a officié dans les cuisines d'Il Lago, au Four Seasons Hôtel des Bergues, où il a décroché une étoile Michelin en 2013. Au Crudo7, il propose une cuisine solaire, légère et dans l’air du temps, résolument italienne, mais infusée d’ailleurs.
On débute avec un cocktail créatif, le Break in Porto Cervo au prosecco et liqueur de bergamote, qui me transporte directement en Italie. Certes, l'accent du gentil serveur et les magnifiques coussins Dolce & Gabbana, posés ici et là, y sont pour beaucoup. Je poursuis avec une salade de cœurs d'artichauts, qui sont ici taillés en morceaux et effrités en crumble. Je les découvre sous des pousses d'épinards dans le cœur de l’assiette, assaisonnés d'une bonne vinaigrette acidulée, de copeaux de truffe, et de parmesan 36 mois d'affinage, généreusement râpé sur le dessus.
L'association, bien qu’assez peu originale, fonctionne bien: c’est juste délicieux. Vient ensuite le tartare de thon rouge, ici haché et pressé, servi sur un lit de glace pour en conserver la fraîcheur. Il est agrémenté de ciboulette et d’une sauce ponzu qu’on aurait néanmoins aimée plus présente. La fraîcheur et la qualité du poisson sont assez époustouflantes.
Des associations classiques mais maîtrisées
En même temps que le thon, on nous a servi le crudo de sériole, dont l’assiette est l’une des plus jolies de la carte. Il faut dire que la puissante sauce citron jaune flamboyant contraste bien avec les lamelles de la sériole. Celles-ci sont surmontées d’une touche de caviar qui accentue le côté iodé du plat. Mon petit conseil? Utiliser la sauce avec parcimonie pour ne pas casser la tendreté du poisson et la subtilité du caviar.
Enfin, en ce début de repas, je m'attarde sur les langoustines snackées: un véritable coup de cœur. J'en aurais bien mangé deux ou trois fois plus, mais ce produit de luxe a un certain prix: ici 42 francs le plat de deux langoustines. Mais revenons sur leur cuisson, parfaite, et leur assaisonnement, qui fait tout: une vinaigrette acidulée et herbacée relevée par une pointe de piment, du basilic thaï et de la graine de fenouil. Je termine la sauce à la cuillère.
Je fais ensuite l’impasse sur les suggestions de viandes et de poissons cuits au grill Josper, pour me focaliser sur les pastas fraîches du chef: les linguine alla vongole et trenette al pesto. À ce sujet, il n’y a rien à reprocher, ce sont de bons classiques parfaitement exécutés, même si elles sont un peu trop al dente pour mon palais de frouze, à titre personnel, j'adore le goût un peu plus «lourd» de la pâte fraîche mieux cuite.
Mention spéciale à ces trenette, des pâtes ici agrémentées de petites tomates cerise allongées. Une association aux saveurs du soleil, presque banale mais si gourmande, dosée avec subtilité et surtout terriblement efficace, qui illustre parfaitement la cuisine à découvrir chez Crudo7.
Crudo7
Rue du Lac 7, à Genève