Ouvert le 6 avril dans le quartier Lombard à Genève, Matière propose des classiques modernisés de la cuisine traditionnelle française, avec les codes à la fois du gastro et bistrot. Mais pas question de coller une étiquette «bistronomie» à cette adresse: l’équipe soudée portée par le chef Freddy Garanjoud ne surfe pas sur les tendances et veut développer avant tout des recettes qui lui donnent du plaisir.
Simplicité et accueil chaleureux, avec une clientèle qui se «laisse bercer par la cuisine et le service», voilà ce que propose l’équipe du restaurant, rompue aux établissements de prestige. En cuisine, Clément Masson et Freddy Garanjoud ont travaillé respectivement au Restaurant Marcon (3 étoiles Michelin) à Saint-Bonnet-le-Froid et au Louis XV (3 étoiles Michelin) à Monaco. Le sommelier Lionel Schneider et la cheffe du service, Marion Schneider, sont quant à eux passés par l’Auberge du Père Bise (2 étoiles Michelin) au bord du lac d’Annecy.
Un pedigree certes impressionnant pour une adresse qui ira vraisemblablement chercher des étoiles. Mais si ces professionnels ont décidé de travailler ensemble dans leur propre restaurant, disent-ils, c’est justement pour proposer une gastronomie à leur image, loin de propositions alambiquées.
Des propositions sobres, mais avec du goût
Pas forcément fan des plats de viande en sauce, que j’associe à une cuisine rétro pas très sexy, j’ai regardé le menu en tentant de trouver un plat qui pourrait convenir à mon palais plus friand de chicken kottu épicé que de coq au vin. Va pour un bœuf aux échalotes avec son écrasé de pommes de terre, et à un plat d’agneau avec ses petits légumes, bref, je reste en terrain connu.
Malgré cela, ces plats aux ingrédients hyper simples ont réussi à me faire sentir des saveurs qui m'étaient inconnues. Les produits de base sont sublimés par une technique professionnelle excellente, et élégamment disposée dans une assiette, sans en faire des tonnes. «On ne voulait pas que notre cuisine soit dans les excès de ce qu’on a pu connaître dans les étoilés», me dit Lionel Schneider. «On vise quelque chose de plus épuré, lisible, mais avec des goûts marqués», ajoute Freddy.
Incroyables entrées végétales
Mais mon gros coup de cœur est allé aux entrées. Ultra créatives, délicieuses et saines, j’aurais voulu toutes les goûter et avoir un menu spécial végétal. J’ai dégusté un trio d’asperges de saison avec son émulsion à la noisette et au citron incroyable (j’aurais bien pris une bouteille de cette émulsion à boire sans rien), et à un brocoli avec sa sauce sésame, délicatement grillé à ses extrémités, avec du parmesan qui me laissent encore une belle nostalgie dans le cœur.
Au menu (qui change chaque semaine), il y a trois entrées toutes à base de légumes, et trois plats, dont deux avec de la viande et un avec du poisson, mais pas de plat végétarien. Un peu empruntée, je demande au chef s’il est possible d’avoir une option de plat végétarien, pour ceux dont le régime ou la religion l’imposent, mais aussi pour ceux qui veulent limiter leur consommation de viande pour des raisons écologiques. Freddy me répond d’emblée que «notre restaurant est à la demande, on peut faire des plats végétariens sur demande, tout en parvenant à rester cohérent dans l’assemblage de l'assiette». L’établissement a une réservation le lendemain, avec une personne cœliaque et une autre, végane. «On a une capacité à improviser, et c’est ce qu’on cherche, proposer des plats innovants en respectant des contraintes.»
Une fascination pour le végétal
Et là, de fil en aiguille, notre discussion nous projette tous les deux dans le passé, lors de ses années monégasques, «dans le Sud, au Louis XV, j’avais le top du top des légumes, on avait des produits variés au goût concentré, directement du marché deux fois par semaine. Avec dix-sept personnes en cuisine, les légumes étaient ultra-frais, taillés le jour même, et cuits minute.»
Une expérience qui booste la créativité, et que Freddy a infusé directement dans ses propositions chez Matière: avec Clément, ils tournent leurs légumes chaque jour, ne congèlent rien, et à la fin de la semaine, avant le jour de fermeture du restaurant, leur frigo est vide, car l’exigence de fraîcheur est maximale. Il a son fournisseur fidèle, Pierre, du marché de Carouge, contact qu’il a conservé de ses années chez Yeast, rue Ancienne, «on échange avec Pierre tous les matins, il me dit ce qu’il a reçu et j’essaie de me procurer la meilleure matière première avec ses conseils.» Selon Freddy, rien de plus difficile que de travailler un légume, il y a une cuisson à ne pas dépasser, une texture à maîtriser. Il dit même tendrement : « c’est tellement sensible un légume, il faut qu’il soit respecté.»
Matière
Rue Micheli-du-Crest 12, Genève
Entrée, plat et dessert à 38 francs, Menu en 5 services le soir à 80 francs