Manger dans une station de ski, c'est souvent très cher, à priori lorsqu'il s'agit de Verbier. Alors quand un resto dirigé par un chef renommé propose un menu en cinq services pour 105 francs, forcément, ça intrigue. Discrètement niché dans la neige, l'hôtel La Cordée des Alpes est ceint dans un joli bâtiment sans chichi. Au rez-de chaussée, la lumière d'hiver éclaire la spacieuse salle du restaurant La Cordée (14/20 selon le Gault & Millau).
Sur les tables, d’élégants arrangements de fleurs séchées dans les tons vieux rose et doré, suggérant subtilement la saison des fêtes. Le chef Romain Maillot qui cuisine ici n'est pas un inconnu des gourmets suisses. On l'a croisé auparavant à La Réserve Genève, puis à L’olivier de Provence à Carouge. Depuis, il est allé au Vietnam, dans un des restaurants du chef français triplement étoilé Pierre Gagnaire, mais aussi au très chic Chalet Zannier à Megève, juste avant de rejoindre Verbier, il y a de cela trois ans.
«Ce que j’aime ici, c'est que nous sommes un restaurant dans un hôtel, et non un restaurant d’hôtel», nuance le chef. Comprenez, ici, on mange une cuisine raffinée, vous ne trouverez aucun burger frites au menu.
Une cuisine avec beaucoup de cru
L’aventure débute par un trio d’amuse-bouches. Thon cru niché dans une chips de pois chiche soufflé, langoustine snackée, crue à cœur: pas mal, même si le condiment passion prend un peu le pas sur la langoustine.
Voici qu’arrive la première entrée, au dressage poétique, un tartare d’oursin, servi dans sa coque avec son corail et une sauce bien verte à la coriandre. Ce joli plat est surmonté d’une généreuse cuillère de caviar Osciètre iranien que je dégomme en deux coups de cuillère.
À la suite, on découvre l'un des plats signature du restaurant, le tartare de bar. Le dressage est particulièrement élégant avec ses pétales de radis, de navets bicolores, et ses pointes de gelée de mangue doucement acidulées. Jusqu'ici, on retrouve bien la cuisine de ce chef, qu'il pratique volontiers crue, avec beaucoup de couleurs et une large part d'ingrédients acidulés.
En premier plat principal, le chef apprête une sole de Sologne, rôtie et farcie au poisson. Celle-ci s’accompagne d’un gros gnocchi fondant au charbon végétal, de poireaux grillés au vin et d’écrevisse du Léman. L’assiette est ensuite nappée d’un jus d’écrevisse relevé par du citron vert et d’une sauce hollandaise épicée auxquels s’ajoutent des pickles de shimeji (petits champignons) et des grains de moutarde. Trop me direz-vous! Pas du tout: j’ai trouvé cela délicieux et gourmand avec un juste équilibre des gras et des acides, marque de fabrique du chef Maillot.
On poursuit avec de la chasse. Pas ma came habituellement, mais je dois dire que j'ai été bluffée. Nous avons dégusté un filet de chevreuil accompagné de panais, de kumquats en pickles et en gelée, ainsi que d’un ravissant roulé de betterave acidulée, bonbon arrosé d’une sirupeuse sauce poivrade. L’élégante assiette aux coloris vifs s’accompagne d’un petit bao maison garni d’un effiloché de chevreuil, pas mal, même si je l'ai trouvé un peu sec.
On termine en légèreté, avec un dessert meringué à la mousse de crème de marrons et aux agrumes, réveillé par d’un poivre puissant et d’un gel d’agrumes à l’estragon. L'assiette est assortie d’un sorbet maison à l'écorce d’orange qui rappelle les marmelades anglaises d’orange amère.
Avec une telle cuisine instinctive et texturée, où les agrumes, les sauces et les jus font la fête aux papilles, le chef Romain Maillot régale avec des assiettes contrastées qui appellent à la gourmandise. Un repas raffiné, tout en légèreté malgré cinq plats, tout ça pour un tarif modeste pour une station de ski: ça change de la fondue. Pas de doute, on reviendra!
Restaurant La Cordée
Rue du Centre sportif 24, Verbier