Solidarité en temps de guerre
Un endroit où ces femmes retrouvent le sourire

Le club social du village de Yuskivtsi est l’un des projets d’aide de la Croix-Rouge, en Ukraine, qui bénéficie aux victimes de la guerre les plus souvent oubliées: les personnes âgées. Rencontre avec des séniors qui retrouvent espoir.
Publié: 23.02.2025 à 23:51 heures
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Dernière mise à jour: 23.02.2025 à 22:21 heures
Larysa Shafaruk, 76 ans, parcourt des kilomètres à vélo, même en hiver, malgré la neige et le verglas, pour retrouver ses amies.
Photo: Bernard van Dierendonck
Article rémunéré, présenté par la Croix-Rouge suisse / Texte de Anita Lehmeier

Pour quelques heures de convivialité et de chaleur, Larysa Shafaruk, 76 ans, est prête à parcourir des kilomètres à vélo. Ni le froid, ni le verglas ne la découragent de prendre la route en direction du club social. Car elle et ses consœurs ont été habituées à une vie de rigueur et de rudesse. Elles ont survécu au régime de Staline, à la famine et aux pénuries de l’ère communiste, au labeur dans les kolkhozes et à l’insécurité qui a suivi la chute de l’Union soviétique. 

Mais devoir survivre à cette guerre à un âge avancé est un véritable coup dur pour ces femmes. Car bon nombre d’entre elles sont veuves, leurs fils et petits-fils sont au front ou au cimetière et les plus jeunes membres de leurs familles ont fui. C’est pourquoi la Croix-Rouge suisse s’est fixé pour objectif, en collaboration avec son organisation sœur sur place, de venir en aide à ce groupe particulièrement vulnérable que sont les personnes âgées. 

Grâce aux contributions de donatrices et donateurs en Suisse, la Croix-Rouge ukrainienne (CRU) a ainsi pu fonder un club social dans le village de Larysa Shafaruk, dans l’ouest de l’Ukraine. Cette maison communale, qui n’ouvrait qu’une fois par semaine lors du passage du médecin, accueille désormais les femmes âgées, leur permettant de s’y retrouver pour boire le thé, faire de la pâtisserie, tricoter, chanter ou faire de la gymnastique.

La gymnastique fait partie des diverses activités du club social.
Photo: Bernard van Dierendonck

Elles y trouvent du réconfort, du changement par rapport au quotidien et de la compagnie. Mais quelle que soit l’activité, elles ne quittent ni leurs foulards ni leurs gros gilets de laine, car il n’est pas rare que l’électricité soit coupée – et donc le chauffage. Ce lieu de rencontre a vu le jour il y a un an, à l’initiative de la très dynamique maire, Anja Usik. Elle a soumis une proposition de projet au bureau responsable de la Croix-Rouge ukrainienne à Ternopil afin de solliciter son soutien. Le club a immédiatement reçu des canapés et des chaises ainsi qu’une cuisine, une douche et un téléviseur. 

Anja Usik, la maire de Yuskivtsi et fondatrice du club social, avec sa mère.
Photo: Bernard van Dierendonck

La maire peut également compter sur le soutien de quelques bénévoles. Elle-même est responsable au sein du village de l’hébergement des réfugiés, de l’établissement des ordres de marche pour les soldats, de la notification aux familles des combattants tombés sur le front et des enterrements.

Malgré ces importantes responsabilités, elle trouve le temps et la force de s’occuper des personnes âgées. L’année dernière, elle a organisé un voyage en bus à Ternopil pour les amener au théâtre et dans une pizzeria. Pour certaines, il s’agissait du premier voyage hors de Yuskivtsi (village de 800 habitants) et de la première sortie au restaurant de leur vie. C’est donc avec enthousiasme qu’elles nous racontent cette aventure, à nous visiteurs venus de loin. Et Larysa insiste pour que nous remercions bien tout le monde chez nous du soutien apporté à l’Ukraine. Tout ce qu’elle sait de la Suisse, c’est que c’est un pays où il n’y a jamais eu la guerre.

Des visites à domicile comme les soins à domicile

Avant même que le conflit n’éclate en Ukraine, la Croix-Rouge ukrainienne, soutenue par la Croix-Rouge suisse, s’engageait déjà en faveur des personnes âgées en leur proposant des services d’aide comparables à nos soins à domicile. Un service qui permet à de nombreux séniors de rester chez eux plus longtemps, plutôt que d’aller en maison de retraite, et que la CRU s’efforce donc de maintenir malgré un contexte plus difficile. 

Iriyna Kravchuk, aide à domicile de la Croix-Rouge, accompagne Tamara Novitska, 80 ans, en promenade.
Photo: Bernard van Dierendonck

Les visites à domicile des bénévoles de la Croix-Rouge sont en effet essentielles pour les personnes seules. Notamment pour Tamara Novitska, qui vit à Ternopil. Pour cette octogénaire, qui se déplace avec déambulateur, faire ses courses est un véritable défi. Heureusement, elle reçoit depuis cet automne l’aide d’Iryna Kravchuk, 40 ans, aide à domicile de la Croix-Rouge ukrainienne, qui se charge de l’achat d’aliments et surtout, de l’approvisionnement en eau potable. 

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La Croix-Rouge suisse (CRS) s’engage dans une trentaine de pays dans les domaines de la promotion de la santé, de la prévention de catastrophes et de l’aide d’urgence. 

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Iryna Kravchuk est l’une des 60 aides à domicile actives dans l’oblast de Ternopil qui portent assistance à 480 personnes âgées dans leurs tâches ménagères et leurs soins corporels. Difficile d’imaginer comment cette femme âgée se débrouillait auparavant pour transporter seule les lourds bidons d’eau jusqu’au troisième étage de son immeuble, sans ascenseur, dans une cage d’escalier délabrée. Le jour de notre visite, l’électricité est coupée. La nuit précédente, la centrale électrique de la ville a été gravement touchée par des attaques de drones. 

Mais Tamara Novitska ne s’en alarme pas. «La Croix-Rouge m'a donné une radio solaire. Elle me permet d’écouter les informations quand il y a une panne.» Avec le temps, cette femme a appris à vivre avec la peur. Elle est originaire du Donbass, région frontalière occupée et en grande partie détruite. Sa famille a été dispersée aux quatre vents. Sur sa table trône une photo de ses enfants et petits-enfants. Une fois par semaine, elle discute via Skype avec son fils qui vit à Kiev. 

Tamara Novitska avec une photo de ses enfants et petits-enfants.
Photo: Bernard van Dierendonck

Iryna Kravchuk lui rend visite deux fois par semaine. Un moment que Tamara Novitska attend toujours avec impatience. Une véritable relation de confiance s’est instaurée entre les deux femmes. L’aide à domicile de la Croix-Rouge souligne: «Tamara est toujours de bonne humeur et ne se plaint jamais. Parfois, elle me prépare même des biscuits maison.» Un courage et une force de vie qui impressionnent la jeune femme. «Je souhaite de tout cœur que mon pays retrouve la paix», nous dit la vieille dame avec mélancolie. «J’espère vivre suffisamment longtemps pour le voir!»

Une solitude accablante

Nous nous rendons maintenant chez Vira Tsariuchenko, 65 ans. Une visite qui nous montre à quel point le travail des aides à domicile de la Croix-Rouge est essentiel pour les personnes âgées. Après une longue période d’occupation, cette ancienne comptable de la fonction publique s’est résignée à fuir sa région d’origine, Kherson, ce qui l’a plongée dans une profonde dépression. Dans sa fuite, elle s’est blessée au bras et souffre depuis de douleurs persistantes. Malgré 44 ans d’activité professionnelle, sa retraite suffit à peine à couvrir ses besoins les plus élémentaires. Sans compter la solitude, qui lui serre le cœur. Durant notre visite, elle apprendra d’ailleurs par téléphone le décès d’une connaissance. 

Lors de sa visite, Anna Urchuk mesure la tension artérielle de Vira Tsariuchenko.
Photo: Bernard van Dierendonck

Son aide à domicile, Anna Urchuk, 46 ans, la prend dans ses bras pour la consoler. «J’ai de la force pour deux», nous dit Anna. Et de la chance: «Mon mari a plus de 60 ans donc il est exempté d’obligation d’aller au front. Et nos garçons n’ont que 18 et 21 ans, donc ils ne sont pas non plus astreints au service militaire. J’espère que la guerre sera finie quand l’aîné aura 25 ans.»

Des enfants du village de Yuskivtsi jouent de la musique pour les aînées du club social.
Photo: Bernard van Dierendonck
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