Au revoir, la Suisse!
Des expatriés suisses racontent leur nouvelle vie à l'étranger

Jamais autant de Suisses n'ont vécu à l'étranger qu'actuellement. Sept profils d'expatriés racontent à Blick ce que signifie le bonheur loin de sa patrie.
Publié: 08.05.2023 à 21:35 heures
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Myria Poffet est partie à l'aventure en Afrique australe avec son mari Romain et sa fille Jeanne.
Photo: zVg
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Karen Schärer

Près de 11% de Suisses ne vivent actuellement pas dans leur pays natal. Ce phénomène a même un nom: la cinquième Suisse. Et il ne cesse de croître. Quel bonheur recherchent ces Suisses à l'étranger? Qu'est-ce qui les a poussés à quitter leur patrie? Sept profils d'expatriés répondent à Blick.

Les nouveaux arrivants

Myria Poffet et son mari Romain (tous deux 41 ans) vivent avec leur fille Jeanne (4 ans) à Pretoria (Afrique du Sud).
Photo: zVg

Il y a moins d'un an, Myria Poffet, son mari Romain et leur fille Jeanne ont laissé derrière eux Berne pour s'installer à Pretoria, en Afrique du Sud. Alors que Romain est en mission pour son employeur suisse, Myria Poffet, chanteuse et pianiste, veut se plonger dans la scène jazz locale très vivante.

Mais il a d'abord fallu se construire un quotidien dans ce nouveau pays: «Au début, c'était difficile. Romain était occupé par son travail. Je devais m'occuper des questions administratives et je n'avais personne pour prendre Jeanne en charge», explique Myria Poffet. Il lui a fallu plus de temps que prévu pour pouvoir s'entraîner et composer à nouveau. Entre-temps, Jeanne a appris l'anglais et est parfois prise en charge par une nounou.

La famille a aussi dû s'habituer à vivre essentiellement en intérieur, et à amener leur fille dans des jardins clôturés ou dans des aires de jeux surveillées. «En Suisse, il n'y a pas d'endroits où l'on ne devrait pas aller à cause de la criminalité ou des animaux dangereux. C'est différent ici. Mais les gens accueillants et les paysages grandioses compensent.»

Bien sûr, c'est toujours avec grand plaisir qu'ils reviennent en Suisse, reconnaît Myria Poffet. Toutefois, «le monde est grand. Nous sommes curieux de découvrir de nouveaux endroits et de nouvelles personnes et nous avons envie de partir à l'aventure».

Le baroudeur

Mathias Künzli (47 ans) vit à Los Angeles (États-Unis).
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Mathias Künzli décrit son départ pour les États-Unis à l'âge de 19 ans comme une «action absolument sans plan». Avec deux sous en poche, il voulait étudier la batterie et la percussion pendant un ou deux semestres au Berklee College of Music de Boston.

Aujourd'hui, 28 ans plus tard, l'Argovien vit toujours aux États-Unis. «Cela a moins à voir avec le pays qu'avec le fait que j'y ai vécu mes années professionnelles les plus marquantes», explique Mathias Künzli. Le mouvement, le rythme, l'international, tout cela l'a fasciné.

Dès son arrivée, il gagnait sa vie en tant que musicien indépendant. Lorsqu'il a déménagé de Boston à New York City avec son diplôme et 3400 dollars en poche, il a réussi à se faire une place sur la scène musicale locale. Depuis, il joue de la batterie dans le monde entier.

Depuis quelques années, il vit à Los Angeles avec sa femme, qui a émigré d'Israël aux États-Unis. «Je me sens suffisamment à l'aise aux États-Unis, mais je ne suis pas devenu américain pour autant. Cette expérience à l'étranger a fait de moi une personne ouverte et tolérante. Je n'ai pas peur des autres, d'où qu'ils viennent», ajoute Mathias Künzli.

Les jeunes

Ada (11 ans) et Ruben (13 ans) vivent avec leurs parents et leur grand frère à Cambridge (Grande-Bretagne).
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Ada et son frère Ruben n'ont que peu de souvenirs de leur quotidien à Bâle. Depuis huit ans, ils vivent avec leurs parents à Cambridge, au nord de Londres. «Les premiers temps ici, nous regardions souvent Peppa Pig pour apprendre la langue», se souvient Ada. L'apprentissage de l'anglais s'est fait sans problème, et ils ont rapidement noué de nouvelles amitiés dans leur nouvelle patrie. «Chaque fois que c'était possible, je jouais au football. C'est comme ça que j'ai rencontré James à l'école, avec qui je suis toujours ami aujourd'hui. Il a été très gentil avec moi dès le début», raconte Ruben.

En tant qu'étrangers, rien ne les distingue des autres dans cette ville universitaire. Dans leurs écoles, il y a beaucoup d'enfants de différentes cultures et de différents pays, racontent-ils.

Plusieurs fois par an, ils reviennent en Suisse avec leur famille et se réjouissent non seulement de retrouver leurs grands-parents, leurs parents et leurs amis, mais aussi de boire du Rivella, du chocolat et des chips au paprika.

Ada et Ruben envisagent tous deux de partir dans un autre pays à l'âge adulte. Mais pour l'instant, ils souhaitent rester dans leur nouvelle patrie. «Nous avons noué tellement de bonnes relations ici, je trouverais ça difficile de partir maintenant», dit Ruben. Et Ada ajoute: «Ce serait quand même cool de vivre à nouveau en Suisse.»

La compagne de voyage

Helen Freiermuth (65 ans) vit avec son mari à Çeşme (Turquie).
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Pour la carrière professionnelle de son mari, Helen Freiermuth a abandonné une voie toute tracée en politique. «C'est la seule chose qui m'a manqué lorsque nous avons émigré en 1995», dit-elle.

Au départ, seuls cinq ans à Shanghai étaient prévus. Mais ça ne s'est pas arrêté là. Son mari, directeur d'une entreprise allemande, a été muté aux États-Unis, puis au Canada et à nouveau en Chine. Les deux filles du couple zurichois étaient présentes les premiers moments à l'étranger. Aujourd'hui, elles ont suivi leur propre chemin. Depuis que son mari a pris sa retraite il y a dix ans, Helen Freiermuth vit avec lui à Çeşme, près d'Izmir en Turquie, au bord de la mer Égée.

Elle s'est chargée des tâches administratives à chaque nouvel emménagement, a noué des contacts, a appris le chinois, a appris le turc, s'est engagée dans des activités caritatives. «J'ai toujours été active. Cela s'est certainement renforcé à l'étranger. Autrement, on se perd», dit Helen Freiermuth. Elle a également retrouvé le chemin de la politique: Helen Freiermuth est déléguée pour la Turquie au Conseil des Suisses de l'étranger et préside le PLR International.

«Quand on évolue dans d'autres cultures, le regard que l'on porte sur son propre pays change, dit-elle. On a l'impression que les gens en Suisse ne se rendent pas compte de la chance qu'ils ont.» Helen Freiermuth adore être confrontée à de nouvelles situations et faire de nouvelles expériences. À Çeşme, le couple fait désormais partie de la société locale et reçoit des amis d'ici et d'ailleurs. «Maintenant, nous ne voyageons plus dans le monde; c'est le monde qui vient à nous.»

L'ancien businessman

Franz Juchli (75 ans) vit à Pattaya (Thaïlande).
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Une croisière en Thaïlande, à laquelle des collègues l'avaient incité à participer, a ouvert les yeux de Franz Juchli de Buchs, à Zurich. «Trois semaines sans téléphone portable, fax, mail m'ont permis de réaliser qu'il y avait des choses plus belles dans la vie que le bureau.» Lui qui avait toujours travaillé «à fond» et qui avait fait fortune avec son entreprise de ferblanterie et de peinture, a tout plaqué. Au lieu de continuer à travailler jusqu'à 70 ans, il a vendu son entreprise, sa maison, ses voitures et sa Harley-Davidson en un mois... et a émigré.

Ca n'a pas été difficile de quitter la Suisse il y a huit ans, car il se sentait de plus en plus mal à l'aise dans son propre pays. Il ne voulait plus s'énerver contre les politiques ou subir en permanence des contrôles de police en voiture. Pour Franz Juchli, la Suisse est un état policier.

Il s'est installé à Pattaya, sur la côte orientale du Golfe de Thaïlande. C'est là que, pendant la pandémie, il profitait d'une maison avec piscine et du paysage. Il la rénovait et la réparait constamment. Mais après une attaque cérébrale en 2021, il a décidé de la vendre. «La vie peut passer très vite. Je veux juste en profiter», dit-il.

Depuis, Franz Juchli vit dans une résidence surveillée, où il a pour voisins plusieurs Suisses. Il profite de sa retraite, rencontre des collègues suisses pour un café, un dîner ou une partie de billard. «J'ai trouvé en Thaïlande une vie plus libre et plus détendue», dit-il.

Les entrepreneurs

Andrea (46) et Rolf (52) Bertschi vivent avec leurs enfants à Sabran (F).
Photo: Arthur Ledoux

Andrea et Rolf Bertschi sont installés en France depuis longtemps: en 2018, ils ont emménagé avec leurs deux jeunes enfants dans le château-hôtel de Montcaud en Provence et le dirigent ensemble depuis.

«L'hôtellerie m'a permis de voir d'autres pays en gagnant de l'argent», explique Rolf Bertschi, originaire de Suhr en Argovie, et travaillant depuis 20 ans à l'étranger.

De son côté, Andrea Bertschi, orginiaire de Bâle, a émigré à 31 ans. «Je cherchais des sensations fortes et je voyais comme un défi personnel le fait de laisser ma vie bien rangée derrière moi et de me débrouiller seule», explique cette psychologue.

C'est à l'époque où elle enseignait l'anglais à Bangkok, la capitale thaïlandaise, que les deux se sont mis en couple. Ensemble, ils sont partis à Hong Kong, au sud de la Chine, à Dubaï, puis en France. «Lorsqu'il s'agit d'expatriation, certains pensent que chaque jour est une aventure», explique Rolf Bertschi. Mais quel que soit le lieu, le quotidien s'installe rapidement. Depuis que leurs enfants sont scolarisés, les contacts avec la population locale se sont établis naturellement. «Mais on reste toujours des étrangers», dit l'hôtelier.

Avec des enfants scolarisés, le couple réfléchit davantage aux problématiques liées à l'expatriation. Et Andrea Bertschi de conclure: «En tant que Suisses à l'étranger, nous avons le luxe de savoir que notre pays d'origine et nos familles nous accueilleront si nous revenons.»

Le représentant de la Suisse

Jürg Sprecher (47 ans) vit avec son partenaire à Caracas (Venezuela).
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Personne ne connaît son nom au Venezuela. Là-bas, il est simplement «el embajador» («l'ambassadeur»), raconte Jürg Sprecher. Depuis septembre 2020, ce diplomate vit avec sa partenaire à Caracas, l'une des capitales les plus dangereuses du monde. Au Venezuela, l'action de la diplomatie suisse se concentre essentiellement sur l'aide humanitaire. Jürg Sprecher représente également la Suisse dans d'autres États voisins et dans des îles de la Caraïbe.

Pour la première fois de sa carrière, l'Appenzellois occupe un poste d'ambassadeur et, contrairement à d'autres fonctions diplomatiques qu'il a remplies à l'étranger, l'anonymat n'existe plus pour lui ici. Alors qu'il passait inaperçu à Tel Aviv ou Madrid, «nous sommes aujourd'hui ceux qui se déplacent toujours avec le petit drapeau suisse», dit Jürg Sprecher.

Son poste implique par ailleurs un véritable numéro d'équilibriste: s'immerger dans la culture locale sans s'y s'attacher, les postes étant renouvelés tous les quatre ans.

Jürg Sprecher apprécie de pouvoir toucher à plusieurs domaines, d'apprendre constamment de nouvelles choses et de fédérer les gens. Le fait qu'il exerce son activité à l'étranger ajoute de la diversité à son métier: «C'est une tâche honorable et gratifiante de représenter la Suisse à l'étranger», conclut-il.

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