Le succès des stars des réseaux donne envie aux jeunes de vivre, eux aussi, de leurs vidéos et contenus sur ces plateformes. Ce rêve est-il atteignable? Voici ce qu’en disent des YouTubeurs(euses) et TikTokeurs(euses) qui vivent l’expérience au quotidien.
Combien cela rapporte-t-il ?
Sur YouTube, les créateurs de contenus touchent régulièrement de l’argent grâce à la monétisation des vidéos. Les revenus proviennent essentiellement des annonces générées par la régie publicitaire de la plateforme, AdSense. Mais les YouTubeurs le disent eux-mêmes: il n’y a pas de tarif standard par nombre de vues. Surtout, «100 euros les 1000 vues», cela n’existe pas sur YouTube. Pour savoir combien gagnent réellement les créateurs, écoutons l’expérience récente de certains d’entre eux, situés dans la catégorie de taille moyenne.
YouTube: 4 € les 1000 vues est réaliste
Combien gagnent-ils? Le sujet est tabou, mais certains osent aborder le sujet. Prenons l’exemple de Sagiiovanna, une youtubeuse française qui a 400'000 abonnés et qui raconte les secrets des people comme Selena Gomez ou Gigi Hadid. Dans une vidéo explicative postée il y a cinq mois, elle révèle combien elle gagne par vidéo. Des revenus qui la situent à 4 euros pour 1'000 vues.
Par exemple, une vidéo sortie il y a un an, qui parlait de Johnny Depp, lui a rapporté 4300 euros pour 1 million de vues. Elle a connu un premier pic de vues, puis un second à quelques mois d’intervalle. La créatrice a par ailleurs gagné 1800 euros pour une vidéo sortie il y a un an et demi, qui a fait un demi-million de vues depuis le 4 juillet 2020. Là, on se situe à 3,6 euros par 1000 vues.
Il faut avoir en tête que le nombre d’abonnés n’était pas le même à ses débuts: elle a démarré sa chaîne en avril 2019 et celle-ci a décollé en 2021. Aujourd’hui, Sagiiovanna peut obtenir jusqu’à 1 million de vues sur ses vidéos. Elle estime qu’elle gagne entre 7000 et 11'000 dollars par mois de revenus cumulés sur l’ensemble de ses vidéos (avant cotisations et taxes). De quoi vivre de ce travail. À condition de produire, comme elle le fait, au moins une dizaine de vidéos par mois.
«Cela m’occupe à plein temps», témoigne-t-elle. En revanche, elle ne fait que rarement le job d’influenceuse, à travers des collaborations avec des marques. Sur Instagram, où elle compte 67'000 followers, elle demande 200 francs par mention d’une marque dans ses stories, mais certaines marques lui proposent spontanément dix fois plus. Dans ce domaine, elle conseille à celles et ceux qui n’ont pas d’agence pour les représenter de négocier afin d’être payés aux tarifs qu’ils méritent. Il s’agit de bien se renseigner sur les taux en vigueur pour cette année avant de conclure des contrats ou des renouvellements de contrats avec les marques.
Placement de produits: pour les gros sous
Les placements de produits peuvent prendre la forme d’un produit placé au premier plan d’une vidéo, d’un moment promo au cœur d’une vidéo. C’est ce que fait, par exemple, le youtubeur Squeezie sans complexes. Avec ses 18 millions d’abonnés et ses vues allant jusqu’à 65 millions par vidéo, il totalise jusqu’à 300'000 dollars de revenus par mois, et 3,6 millions par an.
Sagiiovanna n’estime pas ces opérations nécessaires, quand on atteint une fourchette de revenus raisonnable avec les contenus. «Si moi, avec mes 400'000 abonnés, je gagne assez pour vivre, dit-elle, ceux qui ont plus de 1 million d’abonnés n’auraient pas besoin de placements de produits pour vivre.»
Il s’agit surtout d’une quête visant à amasser beaucoup d’argent. Elle souligne que quand un YouTubeur aux millions de followers dit qu’il a besoin de faire des placements de produits pour pouvoir financer ses grosses vidéos, ce n’est pas vrai. «En réalité, il touche assez d’argent avec YouTube. Mais s’il veut faire ces collabs pour avoir encore plus d’argent et faire des projets encore plus cool, mieux vaut être franc avec sa communauté et dire 'Je fais cette collab pour l’argent', au moins c’est honnête.» Ce que fait justement Squeezie.
Le Français a tourné en dérision, dans une vidéo d’il y a trois ans, les YouTubeurs faisant preuve d’hypocrisie qui promeuvent des produits, tout en insistant qu’ils gagnent peu, ou donnent à leur communauté une partie des gains versés par le sponsor, par exemple à de petits créateurs sur Twitch, alors qu’en réalité, ils conservent 90% du bénéfice.
Être ou ne pas être en agence?
Un YouTubeur n’a pas forcément besoin de se faire représenter par une agence, estime Sagiiovanna dans sa récente vidéo. «Je peux moi-même contacter des marques». Ses connaissances parmi les YouTubeurs qui travaillent avec des agences se font imposer des «collabs», à savoir des contrats pour promouvoir des marques. «Je ne veux pas qu’on m’oblige à faire des collabs.»
Cependant, elle admet qu’il faut «passer en agence si vous voulez vous faire inviter à des événements», les agences ayant un gros carnet d’adresses.
Créer sa société pour gérer ses revenus
Quand la rémunération de Sagiiovanna a dépassé les quelques milliers de followers qui correspondaient à la définition de micro-entrepreneure, elle a fondé sa société, et se verse un salaire de 2500 euros par mois. Le reste, 7000 ou 8000 euros, elle le laisse sur le compte de la société pour financer le matériel (PC, caméras, micros, montage, loyer). Sur sa vidéo explicative, Squeezie indique que les charges représentent en général 40% du chiffre d’affaires pour un YouTubeur de plus de 2 millions d’abonnés. Il lui reste alors 60% de bénéfices. Squeezie recommande aussi de conserver ces bénéfices sur le compte de l’entreprise, sans quoi ils seront assujettis à l’impôt sur le revenu.
La gestion des revenus des créateurs par YouTube est relativement simple. La plateforme calcule vos revenus sur base mensuelle: «On touche l’argent à la fin du mois, pour le mois écoulé, explique Sagiiovanna. YouTube comptabilise le nombre de vues de chaque vidéo, y compris les anciennes, et nous verse la somme qui correspond aux nouvelles vues.» Ainsi, les vidéos YouTube continuent à être monétisées pour toujours, au même titre que les droits d’auteur d’un écrivain ou d’un musicien continuent de lui être versés tant que ses œuvres sont consommées.
La fréquence est essentielle
En moyenne, Sagiiovanna estime être payée 1200 euros par mois au minimum par vidéo. Est-ce à dire qu’elle pourrait s’en contenter? Justement pas. «Sur YouTube, se dire qu’on peut vivre avec 1200 euros, en réalisant une vidéo par mois, est un piège. Si je fais cela, mon algorithme va baisser et YouTube ne va plus proposer mes vidéos, ce qui entraînera moins de vues, et moins d’argent».
TikTok: 0,5 € les 1000 vues
Sur TikTok, les créateurs peuvent faire un nombre vertigineux de vues. Malheureusement, le fonds TikTok destiné aux créateurs européens ne rémunère pas ceux de Suisse et de Belgique, considérés comme de petits marchés. En revanche, si vous êtes basé dans l'un des cinq plus grands pays européens, vous êtes éligible à la rémunération. Mais en termes de tarifs, c’est plus restrictif. Cyril, un influenceur aux 7,6 millions de followers, a témoigné en novembre dernier qu’il avait gagné 0,49 € les 1000 vues. En octobre, il a posté 58 vidéos de plus de 1 minute. Cela lui a généré 108 millions de vues sur ce seul mois. Soit quasiment 2 millions de vues par vidéo.
Il espérait se qualifier pour toucher 1 € les 1000 vues, ce qui lui aurait rapporté 108'000 euros. Mais pour en bénéficier, il fallait qu’il ait obtenu au moins 100’000 vues au cours des 30 derniers jours. En outre, TikTok tient compte de critères que l'authenticité des vues et le niveau d'engagement du contenu. Au final, TikTok annonce à Cyril qu’il touchera un tarif de 49 centimes les 1000 vues.
Ce n’est pas tout: sur ces 108 millions de vues, seules 42 millions sont «éligibles» pour être monétisées. Dans les conditions d’éligibilité, TikTok précise quel type de vidéos ne peut recevoir de monétisation: «Nous n’encourageons pas le lip-sync, les clips musicaux, les vidéos stand-up, les vlogs personnels ou autres vidéos personnelles.» Les vidéos en collaboration avec une marque ne peuvent pas non plus recevoir de monétisation. Au final, à 49 centimes les 1000 vues, Cyril a gagné 22'371 euros sur le mois. De cela, il a déduit 8253 euros en frais divers qu’il a investis pour rendre ses vidéos suffisamment attrayantes pour attirer ce nombre de vues. Restent 14'000 euros, auxquels il devra encore soustraire les impôts. Malgré tout, cela reste une rémunération mensuelle très alléchante.