Malgré leur prix élevé, les greffes de cheveux sont en forte augmentation auprès d’une clientèle masculine de plus en plus jeune. Différentes techniques sont privilégiées en Suisse, y compris au moyen d’un robot chirurgical. Beaucoup se font opérer à l’étranger, notamment en Turquie, pour diminuer les coûts.
À 30 ans, près d'un homme sur trois souffre déjà de calvitie. À 50 ans, cette proportion grimpe même à un homme sur deux. Ce dérèglement des cycles de repousses capillaires touche davantage les hommes que les femmes pour des raisons d’hormones. La testostérone contribue à la perte des cheveux, alors que l’œstrogène, hormone féminine, a au contraire un effet protecteur.
Depuis une quinzaine d'années, les hommes sont de plus en plus nombreux à faire appel à la chirurgie pour lutter contre cette fatalité. Une enquête de l’International Society of Hair Restoration Surgery (ISHRS) montre la progression spectaculaire de cette pratique en Europe: les transplantations capillaires ont augmenté de 240% entre 2010 et 2021. Près de neuf transplantés sur dix (87,3%) sont des hommes.
«L’image de soi prend davantage d’importance chez les hommes aujourd’hui, si bien que la chute de cheveux est parfois vécue comme un traumatisme difficile à vivre, explique la Dre Véronique Emmenegger, dermatologue spécialisée notamment dans les implants capillaires et cofondatrice de la Clinic Lémanic à Lausanne. On constate que les hommes qui souffrent d’alopécie génétique souhaitent bénéficier d’une transplantation de plus en plus jeune. La proportion des 18-29 ans parmi nos patients est en constante augmentation.»
Selon les chiffres de l'ISHRS, près de 37% des hommes interrogés évoquent leur vie sociale et sentimentale comme premier motif pour combattre l’alopécie, alors que presque autant (34,7%) mentionnent leur carrière professionnelle.
Évolution des techniques
Chez les plus jeunes, les spécialistes préconisent en premier lieu les injections de plasma riche en plaquettes (PRP) visant à stimuler les follicules. Ce type d’intervention augmente les chances de succès d’une éventuelle greffe réalisée plus tard.
Par ailleurs, les progrès technologiques récents ont donné lieu à de nouvelles méthodes, principalement la FUE (Follicular Unit Extraction), qui donne les meilleurs résultats. «Contrairement aux techniques antérieures, la FUE ne laisse pas de cicatrices, indique la Dre Véronique Emmenegger. Elle ne provoque pas de choc vasculaire qui peut donner lieu à la chute des cheveux dans la zone alentour, jusqu’alors épargnée par l’alopécie, comme c'était le cas avec la Follicular Unit Transplantation (FUT) (une technique qui consiste à prélever une bande de cuir chevelu dans la zone donneuse, ndlr) que nous ne pratiquons plus dans notre établissement. Forcément, les craintes liées à ce type d’intervention ont diminué, ce qui a contribué à populariser les implants capillaires. Nous parvenons aujourd’hui à des taux de pertes des greffons de seulement 2 à 3%.»
En Suisse romande, les cliniques abondent, notamment autour de l’arc lémanique, avec la clinique Adonis et la clinique de la Croix d’or à Genève, la clinique Entourage à Lausanne ou encore la clinique Nescens à Genolier (VD). Chez certaines, comme la Clinic Lémanic, la greffe est effectuée directement par le médecin, alors que d’autres font intervenir des techniciens spécialisés qui opèrent sous la supervision du médecin.
Plusieurs interventions
Il semble que le rapport de la société aux soins esthétiques évolue vers une acceptation plus large. «Certains tabous ont sauté, remarque la dermatologue. Nous constatons que les patients éprouvent moins de gêne à l’idée de parler de l’intervention et de diriger leurs proches vers nous en cas de besoin. En chirurgie esthétique, c’est un phénomène plutôt rare.»
Après l’intervention, qui dure généralement entre 4 et 6 heures sous anesthésie locale, le cuir chevelu du patient passera par plusieurs étapes. Les marques laissées par les extractions et les greffes ne sont généralement plus visibles après quelques semaines, mais les cheveux transplantés ne retrouvent toutefois leur pleine vitalité qu’après 10 à 18 mois. Avec la méthode FUE, les taux d’échec rapportés par les cliniques oscillent entre 2 et 5%.
Même si la plupart des gens n'ont besoin que d'une seule procédure, l’ISHRS estime que 33,1% des personnes transplantées nécessitent deux opérations et qu’une personne sur dix (9,6%) doit même repasser une troisième fois. Les risques de devoir s'y prendre à plusieurs fois dépendent de l'âge du patient et de la sévérité de la perte de cheveux, mais après six mois, la plupart verra 60% de nouvelles repousses.
Révolution robotique
Dans les années 2010, le robot ARTAS a fait son apparition sur le marché. Cette machine, qui coûte près de 300’000 francs, accélère et simplifie le processus et permet de mieux sélectionner les greffons sur la zone donneuse (et donc d’éviter au maximum leur perte durant la transplantation). En Suisse, cette technique est notamment proposée par la clinique Nescens, basée à Genolier (VD).
Il n’existe pas de statistique précise sur le nombre d’implants capillaires réalisés par les Suisses chaque année. Le phénomène est d'ailleurs difficile à mesurer car une importante proportion de cette clientèle se fait opérer à l’étranger afin de bénéficier de meilleurs tarifs. Parmi les destinations offrant les prix les plus attractifs on trouve la Pologne (environ 2'700 euros par intervention, selon Qunomedical, une plateforme spécialisée dans les soins à bas coût), la Hongrie (environ 2'900 euros) et la Turquie (environ 1'750 euros). Le pays eurasiatique a accueilli, selon les estimations, près d’un million de touristes venus regarnir leur cuir chevelu et ce secteur d'activité lui a rapporté près de deux milliards de dollars en 2022. Plus d’une centaine de cliniques spécialisées dans les greffes capillaires sont actives rien que dans la métropole d'Istanbul.
En Suisse, les prix sont beaucoup plus élevés. Les acteurs les plus compétitifs, comme Hair & Skin, offrent des prix de départ d’environ 3'000 francs, alors que les interventions les plus chères (dont celles qui utilisent le robot ARTAS) montent jusqu’à 15'000 francs. À la Clinic Lémanic, «les patients doivent généralement débourser entre 8’000 et 15'000 francs», précise la cofondatrice. Les sommes varient en fonction du nombre de cheveux greffés, de la technique utilisée et de la texture de la peau, certaines étant plus difficiles à inciser que d’autres.
Pour faciliter l’intervention, la méthode la plus simple consiste à raser tout le crâne pour réimplanter les cheveux dans la zone receveuse. «Certains patients préfèrent ne pas perdre, même temporairement, les cheveux qu’il leur reste, explique la Dre Véronique Emmenegger. Il est possible de procéder sans raser, mais l’intervention devient alors plus difficile et plus longue, donc plus onéreuse.»
Malgré la concurrence étrangère, les cliniques suisses spécialisées en implants capillaires ont bien réussi à tirer profit d’un marché florissant. «Nous ne pourrons jamais rivaliser sur le terrain des prix. Nous devons notre succès à une approche plus personnalisée et suivie pour chaque patient.» La Suisse accueille d’ailleurs aussi des clients venus de l'étranger spécialement pour bénéficier d’un traitement capillaire. «Dans certains pays étrangers, les opérations sont moins chères, mais réalisées à la chaîne avec une approche standardisée qui ne tient pas compte de facteurs comme la forme du crâne ou la dispersion des cheveux.»
En collaboration avec Large Network