Se mettre à son compte fait rêver de nombreux salariées et salariés lassés de leur travail, de leur employeur, en quête de sens, de flexibilité horaire, d’indépendance. Des jeunes se lancent comme indépendants ou se reconvertissent. Les «self-employed» et «solo-preneurs», comme en témoigne leur statut LinkedIn, sont de plus en plus nombreux. Pour réussir, certains atouts sont essentiels, comme un bon carnet d’adresses et une expérience crédible. Offrir, par exemple, du consulting avec des connaissances uniquement théoriques et sans expérience de terrain ne suffit pas: face à des décideurs, cela se verra tout de suite. La maîtrise des outils digitaux joue aussi un rôle accru dans le succès des indépendants. Parmi les métiers porteurs: ceux dont les entreprises ont besoin mais qu’elles rechignent à internaliser. Conseils et témoignages.
Consulting
Les consultantes et consultants qui ont la capacité de donner du conseil à un niveau décisionnel et apporter leur aide à l’entreprise sur des sujets précis, sont particulièrement recherchés. «Les entreprises sont demandeuses de consultants externes qualifiés, car elles ont de moins en moins la volonté d’internaliser des ressources», explique Tarik Lamkarfed, consultant en management qui a lancé depuis deux ans sa société Lamkarfed & Companies. Les externes représentent en effet des coûts flexibles plutôt que des coûts fixes.
Avant l’époque du digital, explique le conseiller en stratégie, il y avait des barrières élevées à l’entrée. Pour être consultant, il fallait avoir 20-25 ans d'expérience dans une entreprise des Big Four ou dans une multinationale. Ce qui comptait était le capital de compétence, l'expertise, le carnet d’adresses. Les rares qui partaient monter leurs propres équipes jouissaient d'un statut privilégié. Avec le digital, des outils ont émergé qui ont fragmenté et multiplié les points de contact, observe-t-il. Beaucoup d'individus ont eu accès à des outils de productivité, opérationnels, de communication, de RH. Dès ce moment, dans tous les métiers, il y a eu pléthore d’outils qui donnaient la promesse d'une efficience accrue et d'une réduction des coûts. «Ceci, couplé à la culture YouTube et à l’apprentissage sur le digital, a favorisé l'émergence d'une foison de consultants. Ce sont en fait des indépendants qui ont une bonne connaissance d’un outil ou d’un autre», explique Tarik Lamkarfed.
Le consulting à 360 degrés est devenu progressivement un consulting ultra-spécialisé, qui se cantonne souvent à la maitrise d’un ou de quelques outils, où chacun peut promouvoir une expertise. Le marché a aussi son lot d’escrocs: des personnes se faisant passer pour des consultants professionnels. «Souvent, ils surfent sur des services qui eux ont le vent en poupe, comme la plateforme Notion ou le logiciel ChatGPT. Ils ne font pas longtemps illusion.»
Headhunting
«Aujourd’hui le domaine des RH est plus porteur que jamais car il y a une demande élevée du marché», observe Marielle Carsignol. Cette docteure en économie et management a co-fondé une agence de chasseurs de tête, Alphom Executive Search à Neuchâtel, depuis 2009. «Des secteurs qui n’avaient pas besoin de recruteurs auparavant en ont besoin aujourd’hui.» Mais pour exercer le métier de headhunter, il faut être crédible en termes d’expérience, car il y a une grande différence entre le recrutement par annonces et celui proactif.
Le headhunting est un art, explique la chasseuse de têtes. «Il faut savoir convaincre les cibles, sans les surconvaincre afin de ne pas attirer de candidats peu motivés.» Dans ce domaine exigeant, «on est obligés d’amener des résultats; on n'a pas de seconde chance. Si on rate un mandat, on perd le client. Mieux vaut prendre moins de clients, mais soigner chaque mandat afin d'obtenir la récurrence et la reconnaissance», recommande-t-elle.
Dans le headhunting, les honoraires sont plus élevés que sur le marché de recrutement de masse. C’est un travail d’orfèvre, qui nécessite un conseil et un accompagnement de haute qualité. Auparavant, le carnet d’adresses jouait un grand rôle pour être un bon headhunter. Aujourd’hui, il faut surtout maîtriser les outils de business intelligence, explique la fondatrice. Il faut savoir cibler les bonnes personnes et affiner sa perception au fur à mesure des entretiens. Il n’y a pas de pression de temps, contrairement au marché de masse, où les recrutements se jouent à la vitesse. En headhunting, c'est du travail taillé sur mesure, avec plusieurs heures d’entretien et différentes étapes.
Certaines agences proposent à la fois du placement par intérim, du placement fixe, et du headhunting. Mais elles effectuent le headhunting en 2 jours, avec des méthodes de recrutement de masse et des honoraires de headhunting. «Cela brouille les pistes», estime Marielle Carsignol.
Coaching
Devenir coach dans un domaine pointu, et qui sort des sentiers battus, offre un bon potentiel de réussite. Avec l’importance qu'ont pris les domaines du bien-être et de la santé mentale, il existe un marché pour des thérapies et des accompagnements de salariés et de leaders en quête de sens. «Coaching quantique», c’est le métier que s’est choisi Ahlem Schröder. Cette ingénieure biomédicale et biotech à l’EPFL a décidé d’utiliser ses connaissances en physique quantique, en «quantum health», en human design, pour coacher des personnes du monde de l’entreprise de manière moins conventionnelle.
Auparavant, elle travaillait dans l’industrie pharma et dans la banque. Le catalyseur a été une maladie grave, qui lui fait vivre une expérience de mort imminente. Elle a fait une séance avec une magnétiseuse, et cela lui a fait découvrir tout un champ méconnu. Elle se plonge alors dans l’approche quantique des thérapies durant 10 ans et en parle autour d'elle. Des clients, des amis, sa famille, et même d’anciens collègues du secteur pharma la poussent à accompagner les gens à développer leur potentiel. Il y a un an, elle fonde sa société, Revhealing. Son coaching en leadership quantique couvre «ce champ invisible qui est essentiel dans la prise de décision, mais qui est ignoré par les approches rationnelles». Ce type d’approches reste controversé, mais Ahlem Schröder en constate déjà les premiers succès.
Évaluateurs indépendants
Il existe une demande pour les outils d’évaluation et de tests comportementaux. Ceux-ci permettent de mesurer l’adéquation d’un candidat à son futur job, ou alors d’améliorer ses performances professionnelles. Un champ d’expertise au potentiel vaste, que Daniel Schmid a même étendu aux sportifs de haut niveau pour les aider, comme les cadres, à tester et à améliorer leurs performances. Le Genevois a fondé en 2003 sa société, Pulsions, spécialisée dans l’évaluation des profils. «Ce domaine connaît un succès grandissant ces dernières années», observe-t-il.
Si la demande est croissante, c’est parce que tout un chacun veut savoir ce qu’il/elle vaut sur le marché du travail. Et pour les entreprises, il s’agit de savoir à qui elles ont affaire et de minimiser les surprises. Le logiciel utilisé par Pulsions, un produit entièrement digitalisé, permet d’établir le profil du candidat. Ensuite, les experts de Pulsions interprètent et conseillent les entreprises, les personnes et les sportifs sur cette base. «On analyse et teste la manière de fonctionner d’un individu, par exemple en solo ou en équipe, explique Daniel Schmid. Certaines personnes sont faites pour l’indépendance, l’autonomie, et acceptent le risque de devoir tout gérer elles-mêmes, d’autres sont perdues dès qu’elles sortent d’un environnement structuré.»