Comment se porte l'économie suisse?
L'industrie et les fabricants de produits de luxe sont à la peine

Le bilan semestriel de l'économie suisse le montre: les fabricants de biens de consommation souffrent du climat de consommation morose. L'industrie est en panne. Mais il y a aussi quelques sursauts.
Publié: 27.07.2024 à 16:56 heures
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Nick Hayek, CEO du groupe Swatch, tire le bilan d'un semestre faible.
Photo: Keystone
Martin Schmidt

Le moral des consommateurs helvétiques laisse à désirer et reste nettement inférieur au niveau d'avant-pandémie. La population des grandes puissances économiques épargne trop au goût des entreprises. Résultat: l'économie suisse en paie le prix.

«Au début de l'année, beaucoup s'attendaient encore à un soft landing (atterrissage en douceur) et à une reprise plus rapide de l'économie mondiale, explique Matthias Geissbühler, chef des placements chez Raiffeisen. Depuis, les investisseurs ont été rattrapés par la réalité.»

Quand l'envie de faire du shopping fait défaut, les résultats des fabricants de biens de consommation décrochent. Ces derniers jours, de nombreux groupes suisses ont présenté leurs chiffres semestriels. «Il en ressort une faiblesse marquée des titres de consommation. Mais il y a aussi des lueurs d'espoir», note Matthias Geissbühler.

Le problème: les consommateurs chinois se montrent très frileux. «Cela touche particulièrement les fabricants de produits de luxe», explique Matthias Geissbühler, responsable des placements chez Raiffeisen.

Swatch à la peine

L'une des marques de consommation les plus fragiles est le groupe Swatch, qui a vendu nettement moins de montres au premier semestre que l'année précédente. Son chiffre d'affaires et son bénéfice ont plongé. L'horloger a notamment perdu beaucoup d'argent sur le marché chinois.

La clientèle chinoise fait preuve de retenue en raison de la crise immobilière qui persiste dans le pays. «Les fabricants de produits de luxe sont particulièrement touchés par cette situation», détaille Matthias Geissbühler. Le fabricant suisse de produits de luxe Richemont souffre également de la conjoncture. Mais grâce à une gamme de produits plus large, le groupe a pu maintenir à peu près le niveau de l'année précédente.

L'industrie classique souffre

Le franc fort a aussi pesé sur de nombreux groupes au premier semestre. «Une détente s'est toutefois produite au cours des derniers mois. Je m'attends à ce que l'effet de change ne joue plus un rôle aussi important au second semestre», esquisse Matthias Geissbühler.

De nombreuses entreprises de l'industrie classique traversent également une période difficile. Chez Bystronic, qui se concentre sur l'industrie de la tôle, le chiffre d'affaires a nettement baissé au premier semestre, plongeant les résultats dans le rouge. Quant au fabricant de machines textiles Rieter, il a quand même pu dégager un petit bénéfice, malgré avec une baisse massive du chiffre d'affaires.

Pour les entreprises, l'heure est donc aux économies. Les carnets de commandes de nombreuses firmes industrielles présentent des lacunes croissantes. L'affaiblissement de l'économie mondiale est la principale fautive. Les fournisseurs de l'industrie du bâtiment comme Geberit, Arbonia ou Zehnder, qui souffrent du ralentissement de la construction en Europe, le ressentent également.

Ces groupes résistent et grandissent

Il existe aussi des groupes qui s'en sortent très bien, malgré un contexte difficile. Omar Brem, responsable de la recherche à la Banque cantonale de Zurich (ZKB), cite par exemple Givaudan. Le fabricant de parfums et d'arômes a connu une croissance significative au premier semestre et a vu son bénéfice augmenter de plus de 30%.

«Grâce à son modèle d'entreprise, Givaudan est parvenu à croître même dans une conjoncture faible. Ses ingrédients se retrouvent à la fois dans des produits alimentaires chers et bon marché. Le groupe profite donc aussi lorsque les consommateurs se tournent davantage vers des produits bon marché», détaille Omar Brem.

Une des exceptions: Givaudan a réalisé un excellent semestre.
Photo: Keystone

Le spécialiste zurichois souligne encore une autre force du groupe: «Givaudan est si bien positionné sur le marché qu'il n'a pas eu besoin de réduire ses prix, malgré la baisse des prix des matières premières.» D'autres groupes, comme le géant de l'agroalimentaire Nestlé, ont dû répercuter la baisse des prix sur leur clientèle.

L'entreprise technologique ABB résiste elle aussi aux conditions défavorables. «Le groupe parvient à croître en se détachant du marché grâce au secteur de la robotique ainsi qu'à son affinité pour la numérisation et l'automatisation », relève Omar Brem.

La reprise se fait attendre

Un autre moteur de la Bourse suisse cette année est le secteur pharmaceutique. «Novartis et Roche ont livré des chiffres solides et ont revu leurs objectifs annuels à la hausse. Les programmes de réduction des coûts portent leurs fruits», pointe Matthias Geissbühler, responsable des placements chez Raiffeisen. De plus, le fournisseur pharmaceutique Lonza a atteint le creux de la vague et se trouve à nouveau sur le chemin de la croissance.

Les groupes pharmaceutiques Norvartis ...
Photo: Novartis

Une fois de plus, l'économie suisse se montre plutôt résistante à la crise. Mais selon les deux experts, une nette reprise à grande échelle devrait encore se faire attendre un certain temps. «Je m'attends à une hausse du climat de consommation au plus tôt dans le courant de l'année prochaine», indique Omar Brem.

Cette année, l'évolution devrait rester timide, selon Matthias Geissbühler. «Je m'attends à un affaiblissement du climat de consommation au second semestre, notamment aux États-Unis. Les économies excédentaires de la période Covid ont été absorbées.»

Les incertitudes restent grandes: qu'il s'agisse de la situation géopolitique, de la sécurité de l'approvisionnement, de l'évolution de l'inflation ou encore de la montagne de dettes qui pourrait contraindre de nombreux pays à économiser à l'avenir.

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